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Carte blanche: Le fédéral abandonne les plus vulnérables…

02.07.2015 by

Depuis 1991, de nombreuses associations ont bénéficié d’un dispositif de financement fédéral peu connu du grand public, le FIPI (Fonds d’Impulsion à la Politique des Immigrés). Ce fonds était destiné à des actions qui répondaient à des besoins des ressortissants étrangers que les pouvoirs publics n’étaient pas en mesure de fournir.

A la suite d’un contrôle budgétaire en août 2014, cette aide de 1.600.000€ a purement et simplement été supprimée. Aucun dialogue ni concertation préalable n’a eu lieu avec les acteurs de terrain. Les responsables politiques ont justifié cette position drastique par le transfert de compétences vers les pouvoirs régionaux et communautaires défini par la 6ème réforme de l’état. Cette décision est incompréhensible car les réglementations et les politiques d’asile, d’immigration et d’égalité des chances restent bien des compétences fédérales.

Ainsi, plusieurs associations concernées travaillent sur ces matières fédérales, le plus souvent au niveau de l’ensemble du territoire belge. Par conséquent, elles ne s’insèrent pas dans les politiques régionales et communautaires et ne peuvent pas bénéficier de soutiens à ce niveau. Actuellement, les alternatives à l’échelon fédéral sont inexistantes. Or, cette décision grave ferme également la porte à l’accès aux fonds européens. En effet, ceux-ci supposent un cofinancement de la part des asbl, rendu possible précisément grâce à l’aide de ce fonds fédéral.

Les organisations concernées par la suppression du FIPI fédéral, une vingtaine au total, occupent toutes une place unique dans le paysage de l’aide aux personnes étrangères au niveau fédéral. Elles  réalisent chacune des missions indispensables et complémentaires à l’accueil et au soutien des personnes étrangères dans des conditions respectant la dignité humaine. En l’état, la suppression de cette aide met en péril la survie de plusieurs organismes et les actions menées par d’autres sur le terrain.

La conséquence directe et immédiate sera le licenciement de 29 travailleurs d’ici octobre 2015. Ceux-ci sont pourtant qualifiés et leur mission est reconnue d’utilité publique par les autorités fédérales qui avaient reconduit les programmes pendant plusieurs années jusqu’à la disparition abrupte de cette aide indispensable.

Le public avec lequel nous travaillons au quotidien est particulièrement vulnérable en raison de son parcours de migration ou d’exil souvent complexe. On y trouve de nombreux enfants et adultes qui évoluent dans des conditions de vie précaires.

Des milliers de personnes ont pu bénéficier d’une aide spécifique depuis la création de ce fonds pendant les 24 années de son existence. Notamment, avec la suppression du FIPI, ce sont plus de 1.600 personnes qui ne recevront plus d’aide linguistique, 1.300 personnes qui ne bénéficieront plus d’un soutien pour vivre en famille , 1.500 personnes qui n’auront plus accès aux musées fédéraux, 500 réfugiés qui ne seront plus soutenus dans leurs procédures de regroupement familial, 105 femmes victimes ou à risque de mutilation génitale et autres violences qui ne recevront plus l’aide nécessaire. Au moins 3.000 professionnels ne seront plus informés sur la situation des enfants en exil et près de 1.500 ne trouveront plus les formations adéquates pour travailler avec tous les publics mentionnés. Au-delà de ces quelques chiffres annuels, c’est tout un système d’aide aux personnes qui est en train de s’effondrer.

C’est cette situation d’étranglement social que nous dénonçons aujourd’hui. D’une part le travail accompli par le secteur associatif est apprécié par la classe politique. D’autre part, celle-ci ne fournit plus de réponses concrètes ni de solutions structurelles afin de garantir la pérennité de ce travail unique d’expertise.

Derrière l’argument de transfert des compétences avancé par le gouvernement fédéral se trouve une réalité face à laquelle les travailleurs sociaux sont actuellement confrontés: le renvoi constant des responsabilités politiques vers d’autres niveaux de pouvoirs.

Outre son utilité publique incontestable, le travail de terrain réalisé par l’ensemble des signataires de cette carte blanche contribue à assurer  la paix sociale et le respect de l’Etat de droit.

C’est à ce titre que la Secrétaire d’Etat à la lutte contre la pauvreté, à l’Egalité des chances, aux Personnes handicapées et à la Politique scientifique Elke Sleurs ainsi que Theo Francken, le Secrétaire d’Etat à l’Asile et l’Immigration et Jan Jambon, Ministre de l’Intérieur et Vice-Premier Ministre, ont été interpellés récemment. Nous attendons encore une réponse de leur part.

 

Association pour le droit des étrangers asbl

Comité Belge d’Aide aux Réfugiés (CBAR – BCHV)

vzw INTACT asbl

ORCA vzw

Plate-forme Mineurs en exil

Programme Sésame des Musées royaux des Beaux-Arts

Service Droit des Jeunes de Bruxelles

SeTIS Bxl – Service de Traduction et d’Interprétariat en milieu Social Bruxellois

Woman’DŌ

 

Cette carte blanche a été publié dans Le Soir le 02/07/2015